Tous les tableaux que j’avais peints depuis 1989 (en parallèle à mes études d’art) et jusqu’en 1998 trouvaient tous leur origine dans un sujet d’étude que nous avait donné un professeur d’art plastique, Monsieur Verger, en année de terminale (1989 - F12 ; B.A.C. des arts plastiques et appliqués - au Lycée Technique Charles-de-Coulon à Angoulême).

Il nous avait présenté un poème (dont je ne me rappelle ni le titre, ni le nom de l’auteur) qui parlait d’un village de montagne éclairé dans la nuit. L’auteur décrivait les montagnes, le village et le ciel unifiés par la nuit et ses déclinaisons de gris et de noirs comme différentes strates géologiques du sol. Nous devions nous inspirer de ce poème, avec pour contrainte de ne travailler qu’avec de la peinture noire et blanche et toutes les teintes grises qui découlent de leur mélange. La technique était libre, et nous devions aussi impérativement travailler la matière ou des effets de matière. Libre à nous de choisir les matériaux que nous souhaitions utiliser (sable, gravier, terre, grattage, impressions,……) mais il fallait que ressorte de ces effets de matière l’aspect minéral des couches géologiques du sol décrites dans le poème. Pour nous préparer à cet exercice,  Mr Verger nous fit un cours sur le travail de trois peintres ; Paul Klee, Antoni Tàpies et Pierre Soulage.

 

- Paul Klee ; pour ses aquarelles, sa stylisation enfantine et graphique des maisons (un carré + un triangle) et ses compositions sur le papier

- Antoni Tàpies ; pour ses compositions graphiques, son traitement de l’espace et ses matières (sable, terre, poudre de marbre,…..).

- Pierre Soulage ; pour la profondeur et la luminosité des ses Noirs, sa matière et ses épaisseurs.

 

Cet exercice de style m’a beaucoup intéressé pour le travail de la matière, sa dimension, son relief, sa structuration par rapport à une œuvre et dans un format donné. Pour la première fois j’avais l’impression d’intégrer du « vivant » dans mon travail, dans le sens où ces matières avaient un vécu avant d’être utilisées dans un tableau. Elles avaient chacune une identité propre et une histoire. Cela changeait apparemment beaucoup pour moi la perception de l’aspect créatif. Et puis j’ai découvert une dimension et une profondeur dans le noir et le gris que je n’avais jamais ressenti (puisque nous n’avions pendant ces études travaillé qu’avec de la couleur jusqu’à présent) et cela me parlait fortement, émotionnellement. Ce sujet et sa réalisation m’ont tellement remué et stimulé intérieurement que j’ai senti que j’avais beaucoup à dire et qu’il fallait que je développe plus longuement ce travail de la matière, et que j’explore les possibilités du noir et des gris.

C’était un des  travaux d’étude dans lequel j’avais senti autant d’implication de ma part, non seulement dans la dimension technique et pratique, mais aussi dans la dimension humaine et émotionnelle. J’avais vibré intérieurement ; une sorte d’excitation, de jubilation à préparer ce sujet, à y réfléchir, à rechercher comment traduire ce poème. Comment exprimer la matière ? Avec quels matériaux ? Quels graphismes ? Je me suis senti vivre cet exercice de style de tout mon être avec un accomplissement profond de sa réalisation du début à sa finalisation. Alors je me suis fait la promesse de reprendre et de développer ce sujet après mes études lorsque je m’installerai à mon compte en tant que peintre.

Alors, lorsque je commencé à peindre en 1989, j’ai repris ce travail de matières, de noirs, de blancs, de gris, de paysages suggérés……..je que j’ai appelé par la suite "ma période grise".

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