Après avoir réfléchi et médité sur la manière dont j’allais traiter ce thème du chemin de croix, j’ai ressenti le besoin de créer un environnement propice pour travailler ce sujet. Je ressentais le besoin de créer une proximité avec Jésus. Cet appel profond était comme une onde intérieure qui cherchait à atteindre un point précis dont elle était consciente de l’existence, mais sans parvenir à trouver dans l’obscurité la voie qui la mènerait à lui. Il me fallait en quelque sorte "mon fil d’Ariane".

 

Alors tout au long de la réalisation du "Corpus Christi", j’ai écouté de la musique classique sacrée. Sacrée dans le sens où les compositeurs avaient créé une œuvre inspirée de Jésus ou dont le sujet était en lien avec lui.

 

En l’occurrence, pour traiter ce sujet du chemin de croix et m’accompagner dans mon travail, je me suis laissé porter et guider par les œuvres musicales choisies suivantes :

 

- La passion selon Saint-Mathieu, de Johann Sebastian Bach (1685 - 1750)

- La passion selon Saint-Jean, de Johann Sebastian Bach (1685 - 1750)

- Le roi des juifs, d’Alexander Glazunov (1865 - 1936)

 

Ces choix musicaux étaient intuitifs ; ils étaient ceux qui me parlaient le plus émotionnellement par rapport à mon sujet. Je connaissais déjà ces œuvres musicales pour les avoir dans ma discothèque et elles me sont apparues comme une évidence pour m’accompagner dans la réalisation de ces sept tableaux. Je les ai écoutées en boucle durant les quinze jours pendant lesquels j’ai peint.

 

J’ai profité de quinze jours de vacances pour être totalement disponible et réceptif, et surtout ne pas être déranger et ne pas avoir d’horaires limitatifs. Je souhaitais être totalement libre et disponible pour ce travail.

 

Et chaque jour avant de commencer ma journée, j’allumais des bougies, faisais bruler de l’encens et m’imprégnais de la musique que je continuais à écouter toute la journée, jusqu’à ce que j’arrête de peindre.

 

C’était la première fois que je peignais ainsi, en créant une atmosphère particulière afin d’être impliqué corps et âme dans mon sujet.

 

Et l’expérience fut une révélation ;

Je me suis senti plus libre, plus disponible et réceptif émotionnellement pour ce que je voulais faire à l’instant présent. J’ai pris conscience que la musique avait sur moi un fort pouvoir, à la fois de libération et de réceptivité. Je ne pensais plus, je ressentais, j’étais émotions, seulement émotions. La musique était un support extraordinaire qui me permettait d’aller très loin, pas seulement dans la réalisation de mon travail, mais aussi dans la prise de conscience de ce qui m’entoure à ce moment là, que cela soit matériel ou immatériel. Je deviens un canal d’échanges énergétiques.

 

Cette expérience et ces prises de consciences nouvelles m’ont donné envie de renouveler cette pratique d’écoute musicale tout en peignant.

 

En 1998 j’ai travaillé sur une série de quatre tableaux ;

Je souhaitais compléter une série de paysages réalisés en 1997, que j’avais travaillés avec de la peinture glycéro noire, blanche (le gris obtenu en mélangeant les deux premières), avec du sable fin et du plâtre en poudre, et quelques retouches aux pastel sec. Ces paysages étaient inspirés d’une série de photos, en noir et blanc, faites dans la campagne le soir en hivers à la tombée de la nuit. Ces tableaux représentaient des paysages de campagne fondue dans la brume hivernale, ni trop figuratif, ni trop abstrait.

 

Pour travailler ces quatre tableaux, je choisis d’écouter un CD de musiques traditionnelles tibétaines, parmi lesquelles le hôm tibétain (chant accompagnant la pratique du yoga).

 

Je me suis tellement laissé porter et guider par la musique que la réalité de mon environnement physique m’est réapparu visuellement au moment où le CD s’est arrêté. C’est à dire que pendant toute son écoute (71 minutes) j’ai peint en ne voyant que du blanc autour de moi. Les murs, la moquette gris foncé de l’appartement, les meubles, les fenêtres, la porte…, bref, tout avait disparu de mon chant visuel pour ne laisser place qu’à un espace blanc infini comme immaculé de neige. Et pendant ces 71 minutes j’ai peint mes quatre tableaux en étant totalement absorbé par ce blanc et la musique. Et je les ai terminés au moment même où le CD s’est arrêté ! Ce qui était rapide ! Réaliser ces quatre tableaux de format moyen en 71 minutes !?

 

Plus surprenant encore, pour moi. Ces quatre tableaux qui étaient sensés ressembler à mes précédents paysages perdus dans une nuit brumeuse, étaient bien loin de ce résultat. J’avais travaillé pourtant avec les mêmes matériaux et au final le blanc et les gris clairs dominaient et l’aspect graphique différait totalement. Le noir n’apparaissait presque pas, et j’avais malgré moi utilisé d’avantage de plâtre en poudre, d’où ce blanc dominant. Et au lieu d’avoir des paysages de campagne sous les yeux, j’avais plutôt l’impression d’éléments aériens ou aquatiques (de l’air, de la lumière à travers des feuillages, des collines enneigées, des torrents, des vagues, des embruns,…..).

 

Nouvelle expérience qui me fit réfléchir sur mon rapport à la musique et ses effets sur moi lorsque je peins……….et même en général dans la vie, au quotidien.

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